Par William Porret, fondateur et directeur associé de Enora Consulting 

Le bug annoncé de l’an 2000 avait poussé les directions financières à se plonger dans leur système informatique. Huit ans après, la culture de la qualité s’est durablement installée dans les schémas directeurs des entreprises. Qualité des produits, qualité des services, l’informatique est devenue une activité support qu’on inspecte à la loupe de référentiels toujours plus nombreux. Parmi ceux-là, ITIL fait figure de star, au point qu’on ne compte plus les articles qui le mentionnent. 20 ans après sa création et peu après sa sortie en France de la version 3, on peut s’interroger sur les enseignements à tirer des expériences de mise en œuvre. 

La gestion de la qualité des services informatiques nécessite d’être et d’avoir 
 » Etre  » fait référence à la capacité de l’entreprise à structurer l’ensemble de ses activités en processus efficients. Il ne s’agit donc pas de baisser les coûts de production de service à tout crin mais de les confronter à des objectifs dont la qualité et la quantité sont déterminées par le(s) métier(s) au cœur de l’entreprise. On utilise également le terme d’alignement du système d’information. 
 » Avoir  » fait référence à la connaissance complète et réaliste du système d’information. Ceci concerne à la fois les infrastructures, les logiciels, les règles de gestion, l’organisation et les factures. On parle de gouvernance informatique. 
Dans sa double quête de l’alignement et de la gouvernance, le DSI peut s’appuyer sur des méthodes ou des bonnes pratiques dont ITIL fait partie. Pour y parvenir, ITIL s’appuie sur le découpage des activités en processus et la notion de contrat de service. 

Les utilisateurs ont des besoins différents 
Si l’informatique est un centre de coûts toléré, c’est avant tout parce qu’elle rend des services aux métiers de l’entreprise : remplacement d’un poste de travail, installation d’un logiciel plus performant pour acheter ou vendre à des clients, analyse des tendances du marché pour les futurs produits, etc. Parce que tous les utilisateurs n’ont pas les même besoins ni les même exigences, ITIL préconise la contractualisation des services entre les métiers et la DSI. 
D’une part, ceci représente pour les métiers l’occasion d’engager les services informatiques sur les délais, la disponibilité, la sécurité des outils dont ils ont besoin. D’autre part, cela représente pour les services informatiques, un moyen de justifier les investissements et les dépenses qu’ils effectuent. Il s’agit d’un accord gagnant gagnant. 
La structuration des activités de l’entreprise en processus est généralement admise comme un facteur clé de succès pour le pilotage de la qualité et des performances. ITIL propose un découpage propre aux activités informatiques. Chacun des processus y est décrit de façon suffisamment détaillée pour répondre aux questions les plus fréquentes et suffisamment générale pour pouvoir s’adapter à un grand nombre d’entreprise. 
Cette vision, bien que rationnelle, ne parvient pourtant pas toujours à convaincre les directions générales, les managers et les équipes techniques. Ces derniers confient volontiers avoir le sentiment de devoir produire toujours plus avec moins de moyens. A une époque qui n’est plus celle du « produit rare » mais du « client rare », cette nouvelle cherté se paie en amont des produits et des services. Le temps où l’informatique était synonyme d’avantage concurrentiel est passé, elle doit maintenant prouver sa rentabilité à court terme. Dans ce nouveau contexte, la pression est grande sur les managers et les équipes informatiques qui doivent mettre en œuvre une démarche de recherche de qualité des services comme ITIL. 

Deux difficultés pour ITIL 
Il existe deux difficultés majeures à la mise en œuvre des processus ITIL. 
Tout d’abord le cycle de vie de plus en plus court des produits et des services qui implique des temps de réaction de plus en plus rapides du système d’information. Pour réaliser des produits innovants, les métiers ont besoin de disposer entre autres, d’outils informatiques appropriés et de bonne qualité. L’étude, la conception et la réalisation de ces outils représentent pour les managers et les opérationnels un effort qui s’accorde difficilement avec un projet de réorganisation de leur travail quotidien. 
Ensuite, la mise en œuvre des processus ITIL n’est pas sans coût pour une DSI. On doit prendre en compte, le coût des licences logicielles des outils dédiés (Configuration Management DataBase, Service Desk, Gestion documentaire, etc.), le coût des formations, le coût de l’intégration des solutions, le coût de la reprise de l’existant et/ou des interfaces avec les solutions existantes et le coût de la maintenance évolutive et corrective. Or, il est aujourd’hui impossible de calculer le retour sur investissement d’un tel projet. On pourra toujours argumenter que si l’on ne sait pas mesurer combien rapporte ITIL aux sociétés qui l’ont mise en œuvre (environ 20% au niveau mondial), on sait combien cela coûte aux sociétés qui ne l’ont pas fait. 

Etre ou avoir n’est pas la question 
 » Etre  » et  » avoir  » ont en commun la nécessité d’une organisation qui met en œuvre de nouveaux processus. ITIL s’impose aujourd’hui comme un référentiel incontournable pour définir l’organisation cible d’un service informatique de qualité et efficace. Sa mise en œuvre reste un projet de grande taille dont le coût et l’impact ne doivent pas être minimisés. 
Pour s’assurer de son succès, il faut revenir aux principes de la gestion de grands projets : s’assurer de l’adéquation du projet aux objectifs économiques et financiers de l’entreprise, prendre en compte l’existant, juger les risques sur les autres activités, vérifier le réalisme de la solution, identifier les changements induits et enfin définir les gains attendus.