Par William Porret, fondateur et directeur associé de Enora Consulting 

Quand les prestations de conseil subissent la loi des services achats 
Alors que les médias nous parlent de crise immobilière et financière, Bercy nous explique que le pouvoir d’achat a baissé et les industriels de la grande consommation prennent le relai pour essayer d’attirer les ménages dans leurs méga-enseignes, nous pouvons nous demander ce qu’il en est des relations inter-entreprises concernant les achats de « prestations intellectuelles à forte valeur ajoutée », autrement appelées « de conseil ». 

Périmètre 
En premier lieu, il convient de définir ce que l’on entend par prestation de conseil. Le conseil stratégique ou de direction générale n’entrant pas dans un schéma conventionnel d’achat, il s’agit ici des prestations de conseil opérationnel ou de management. 

Les achats imposent leurs pratiques 
Des grilles de profils et de prix associés sont créées presque systématiquement. Les prix sont définis par rapport aux fournisseurs les moins disant. Et cette démarche ne s’arrête pas là. Un cabinet de conseil sachant entrer dans ce schéma (au détriment de sa marge) peut se voir imposer un coefficient de minoration du prix de la journée suivant le montant global de jours commandés. Devant la logique de masse et purement financière des achats, les consultants ne répondent pas par une prestation de qualité à toute épreuve. 

Le conseil n’échappe pas à la vague du low cost 
Le marché du conseil s’adapte aux nouvelles pratiques d’achat des entreprises. Concrètement, les quelques places de marché qui autrefois permettaient de mettre en relation des cabinets sur des besoins ponctuels de ressources, s’ouvrent aux clients finaux qui publient leurs appels d’offres. D’autres vont plus loin encore en se faisant référencer dans certaines entreprises comme cabinet de conseil à part entière, et deviennent assez incontournables pour les petits cabinets ou les indépendants qui n’ont plus d’accès direct aux grandes entreprises. 
Certains cabinets proposent même des viviers de CV sans âme aux directions achats. On voit également l’arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché du low cost : les cabinets de recrutement qui proposent de l’intérim. 
Ce système a comme conséquence d’ajouter un intermédiaire – voire plusieurs – qui prennent tous une marge. 

Le difficile rapport entre les achats et les directions métier 
Après avoir posé le décor (non sans un certain parti pris, avouons-le), revenons sur les conséquences des pratiques des achats sur le fonctionnement des directions métier. 
Certains projets nécessitant des prestations de conseil peuvent ne pas se passer aussi bien que prévu. 
Le client a tendance à rejeter les torts sur le prestataire (manque d’expérience ou démotivation du consultant). Et des projets complexes se soldent par un échec pour des raisons propres au client (politique interne, sponsorship insuffisant, mauvaise répartition des rôles, etc.). Mais de plus en plus souvent, les difficultés s’expliquent par le fait que le consultant n’est pas à la hauteur. 
Les directions métier constatent que leurs projets non aboutis sont ceux qui ont fait l’objet d’âpres négociations internes dès le départ. Outre les négociations avec les prestataires pressentis, la direction métier doit souvent se battre pour insister sur l’importance de la qualité de la prestation, donc sur la nécessité de retenir des profils de qualité. La direction des achats ayant le dernier mot, les directives ne sont pas toujours suivies. Mais ce sont bien ces directions métier qui en pâtissent ! 

Conclusion 
Les primes (générées par des économies d’achat) représentent une part non négligeable de la rémunération des acheteurs. Ils ont donc une forte inclination pour contractualiser avec les moins disant en allant à l’encontre des recommandations de la direction métier. 
Que faut-il faire ? Il faut avant tout supprimer ce conflit d’intérêt entre les économies virtuelles (et individuelles) générées par l’acheteur, et la nécessité de mettre le bon prix pour le bon profil dans l’objectif d’un projet réussi. Pour cela, il faudrait mettre en place un système de bonus-malus pour l’acheteur qui ne gagne pas de prime si le projet échoue. Directement associé à la réussite du projet, l’acheteur prendra alors à cœur d’écouter les directions métier.